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Photo du rédacteurRaphael Arranz

« Ecouter son corps » ne signifie pas « obéir à ses pulsions »

Dernière mise à jour : 28 janv. 2021

La relation que nous entretenons avec notre corps est souvent compliquée dans notre société occidentale, essentiellement tertiaire et rationnelle. Quand je dis à mes clients que ce corps pourrait être un allié précieux et quotidien de leur prise de décision et de leur efficience professionnelle, ils ne comprennent pas tout de suite de quoi je parle.


Je me souviens de la réaction d’un client à qui j’essayais un jour d’expliquer combien il pourrait être utile pour lui de se reconnecter à ses émotions, de se mettre à l’écoute de son corps. « Tu verras que cela t'apportera finalement plus d'assurance et de clairvoyance que tous les outils de reporting que nous avons mis en place. » Ce à quoi il me répliquait : « Mais Raphaël ! Moi, si je me mets à écouter mon corps, je vais sauter sur la première fille qui se présente, je vais me goinfrer en permanence de chocolat et de champagne, ça va devenir n’importe quoi ! Non, vraiment je t’assure, écouter son corps ce n’est pas pour moi. » …


C’est vrai que le verbe « écouter » a pris au fil du temps dans la langue française une connotation ambigüe. Il peut être compris au sens "d'obéir à" ce qui est dit. « Ecoute bien tes parents! » ou « Ecoute ce que dit ton professeur » sont peut-être des phrases que nous avons trop entendues.

Lorsque je parle « d’écouter son corps », je fais plutôt référence à l’un des premiers sens de ce verbe : « Prêter attention à ce que quelqu’un dit pour l’entendre et le comprendre ». Et si l’on accepte l’idée de se représenter notre corps comme une part de nous même qui pourrait s’exprimer comme une personne, alors cette définition du Larousse sert exactement et précisément mon propos.


« Prêter attention » à son corps


« Ecouter son corps », c’est commencer par déplacer le centre de son attention. Ne plus se concentrer exclusivement sur ce qui se passe ou qui pourrait se passer autour de soi mais orienter également une partie de son attention vers l’intérieur. Quelles sont mes sensations en ce moment ? Dans quelle position est mon corps ? Est-ce que j’en perçois toutes les parties ? J’ai toujours été surpris de constater à quel point ce simple déplacement de l’attention provoque naturellement un rééquilibrage de notre posture.


Prendre conscience de notre corps nous ré-équilibre.

Pas seulement notre posture physique; notre posture mentale évolue également. Je me souviens d’une conversation, lors d’un rendez-vous commercial, qui tournait en rond. Je me sentais un peu perdu, inintéressant et je commençais à m’énerver. J’ai alors pensé à mon corps. Et j’ai senti mes pieds qui se posaient au sol. Mes propos sont devenus aussitôt plus concrets et plus en lien avec mon interlocuteur. Plusieurs mois après, il m’a raconté que mon changement d’attitude l’avait marqué.


L’attention portée au corps est bénéfique avant même que l’on perçoive quoi que ce soit et même si l’on « entend » rien. Elle est d’ailleurs au centre de nombreuses pratiques méditatives, telles la Mindfulness (pleine conscience) par exemple.


« Entendre » son corps


« Ecouter son corps », c’est aussi commencer à « entendre » ses sensations corporelles, comme si elles étaient des manifestations d’une part de nous même qui demanderait justement à être écoutée.

C’est aussi apprendre à être dans une perception de plus en plus fine de son corps et de ce qui s’y passe. Prendre conscience du noeud que l’on a dans le ventre ou d’une tension dans la nuque mais aussi d’un fourmillement discret dans le pied ou d’une sensation de chaleur très légère dans le bas du dos.


Ecouter notre corps pour se réconcilier et commencer une alliance avec lui.

Il s’agit de porter à sa conscience ces manifestations et de signaler ainsi à son corps qu’on l’écoute, comme pour l’encourager à s’exprimer. Cela suppose une intention d’accueil de ses sensations. Et donc un changement de posture pour la plupart d’entre nous qui avons pris l’habitude de refouler ces petites douleurs, irritations et autres contrariétés corporelles qui viennent perturber notre humeur.


Les bénéfices d’une pratique régulière de cette écoute sont assez nettement observables : Les petites « contrariétés corporelles » s’estompent plus rapidement et diminuent en intensité, un peu comme si elles se savaient entendues. D’autre part, votre sensibilité se développe. Vous percevez mieux votre corps et tous vos sens paraissent plus affutés. Vous découvrez généralement de nouvelles sensations et captez des signaux dont vous n’avez pas l’habitude : Peut-être l’émotion ou l’intention de votre équipe; peut-être l’arrivée d’une personne avant qu’elle ne soit visible; peut-être un changement de la météo avant les autres.


« Comprendre » son corps


« Ecouter son corps », c’est enfin poser une intention : Celle de donner du sens à ses ressentis corporels en admettant qu’ils peuvent être des messages émis par une part inconsciente de soi-même. C’est écouter ses sensations à la manière d’un nourrisson qui cherche à comprendre ses parents. Une écoute neuve, vierge de tout apriori. Laisser son cerveau faire de nouvelles connections neuronales, en cherchant à rapprocher les zones de la perception sensorielle et celle du langage.

Ces rapprochements vont se faire naturellement si vous pratiquez régulièrement une telle écoute. Des émotions, des situations, des événements vont se rapprocher peu à peu de certains ressentis internes. Et commencer à dessiner une forme d’expression plus subtile que les cris primaires « j’ai faim », « j’ai soif » ou « j’ai mal ».


En deçà de nos pulsions, notre corps nous parle aussi de façon subtile et riche.

Quand je sens cette tension douloureuse dans mes reins, je sais aujourd’hui qu’une part de moi pense que je vais trop vite. Et cette contraction à droite de ma nuque pendant une conversation me demande de me taire. A moi de décider comment je tiens compte de cela pour agir.



Le corps, porte d’entrée à l’intelligence sensible


« Ecouter son corps » ne veut pas dire « se laisser guider par ses instincts ». L’objectif est au contraire de mieux prendre conscience des nombreuses injonctions inconscientes qui traversent notre corps pour agir plus en conscience. Prendre conscience de la richesse insoupçonnée des messages que nous transmet continuellement notre corps et en tenir compte dans nos décisions et nos actions.


Ecouter son corps, c'est s'engager dans une nouvelle forme d'intelligence.

« Ecouter son corps », c’est s’engager dans le développement d’une nouvelle forme d’intelligence, une intelligence sensible qui allie l’efficacité et la rigueur de nos processus rationnels à la puissance de nos intuitions émotionnelles.




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